Publié le 6 octobre 2011 | par Comité STAT
Une job de malade
Écrit par une préposée aux bénéficiaires
Pour avoir passé un bon sept ans à travailler comme préposée aux bénéficiaires dans un grand hôpital montréalais, j’ai pu constater une grande détérioration des conditions de travail. La convention collective s’est dégradée, et les patrons ambitionnent de plus en plus.
Quand j’ai commencé à travailler dans cet hôpital, on me garantissait un horaire de sept quinzaine. Bref, un nombre de jours suffisant pour dire que j’arriverais à bouffer et à payer mon loyer. J’ai eu une période de probation de 20 jours, et j’avais le droit de ne pas être chez moi quand on m’appelait pour travailler sans que ce soit considéré comme un refus.
Il y a quatre ou cinq ans, la période de probation est passée de 20 à 30 jours, et le nombre de jours garantis à quatre quinzaine. Bref, le choix entre la bouffe ou le loyer. Pendant ce temps, les nouveaux préposés entraient à la tonne, alors que d’autres crevaient de faim en attendant un appel du nursing.
Il y a trois ans, nouveaux changements. Ceux et celles qui n’avaient pas de poste sur une unité se ramassaient tous sur appel. Finis les horaires, la stabilité. Un pas de plus pour bien faire comprendre aux employés qu’ils sont à la merci de l’employeur. Comme si ce n’était pas assez, les employés n’ayant pas de poste à temps plein sont tenus d’offrir des disponibilités sur deux quarts de travail minimum.
Aujourd’hui hui, les nouveaux préposés sont embauchés sans aucun horaire garanti. Dès la fin de leur orientation, ils tombent sur appel, pour leur période de 45 jours de probation. Ils n’ont aucune garantie d’être appelés, et sont souvent appelés plus tard que le début du quart de travail pour lequel ils sont convoqués.
Ils n’ont pas le droit de refuser, sous peine de se faire engueuler par le nursing et d’avoir une note dans leur dossier. Évidemment, ils ne sont payés qu’à partir de leur heure d’arrivée, soit souvent un bon deux heures après le début du quart de travail. Ils arrivent donc dans un département où les autres préposés sont à bout de souffle, écœurés, dans une section où les bains ne sont pas faits, où c’est le bordel.
On leur suggère aussi fortement de cocher une case sur leur feuille de disponibilités, où il est indiqué qu’ils acceptent de travailler, sans être payés en temps supplémentaire, deux quarts de travail à l’intérieur de la même période de 24 heures. Bref, les nouveaux PAB se ramassent soit affamés, soit carrément exténués.
Pour les plus anciens qui ont la chance d’avoir un poste, ces traitements misérables se traduisent par des conditions de travail insoutenables. Il n’est pas rare de commencer la journée avec un préposé en moins, sans savoir si la section sera comblée. Nous devons alors redoubler d’efforts, car c’est du confort d’êtres humains dont il s’agit. Évidemment, nous ne pouvons pas combler tout le surplus occasionné par le manque d’un PAB, alors nous nous ramassons avec des patients insatisfaits, qui nous engueulent quand on entre dans leur chambre parce que ça fait 45 minutes qu’ils attendent après nous pour aller aux toilettes.
Les préposés, comme tous les membres soignants (inhalothérapeutes, infirmières, infirmières auxiliaires, stomothérapeutes, etc), sont d’une grande nécessité, et leur quantité sur le plancher doit être suffisante. Nous sommes ceux et celles qui passons le plus de temps auprès des patients, qui les connaissons le mieux. Nous sommes souvent les premiers à remarquer que quelqu’un ne va pas bien, qu’il a une plaie, une baisse de moral. En créant des manques dans le nombre de préposés présents sur les étages, l’employeur néglige la qualité des soins aux patients, leur sécurité. En donnant des conditions de travail infernales aux employés, ce sont trop souvent les patients qui récoltent des soins bâclés, des toilettes non faites, des plaies décelées sur le tard, des mesures de sécurité non optimales. Pourtant, quand une erreur arrive, ce n’est pas souvent l’employeur qui est pointé du doigt…