Publié le 1 février 2015 | par Comité STAT

La grève a vu son ombre

par Ariane Bouchard

C’est fait. Certains syndicats ont prononcé le mot terrible. On l’attendait avec un mélange d’appréhension et d’inévitable. La grève surgit avec son maelstrom. 1999. Ne pas abandonner les patients. Une grève ça coûte cher. Une grève c’est sérieux, très sérieux. La grève en santé, est-ce que c’est encore possible? Est-ce qu’on va la faire? Tandis que partout où on pose les yeux disparaissent les postes et les services, jusqu’où on est prêtes à aller? Ces questions ne sont pas le centre de mon texte, mais je sais que pendant l’écriture elles me tirailleront en background.

L’entrée sera factuelle: au local quelques syndicats ont en main un mandat de grève et j’aimerais expliciter rapidement le comment et le pourquoi.

CSSS de Sept-îles, janvier 2015

Les membres du syndicat CSN CSSS de Sept-îles ont voté des moyens de pression pouvant aller jusqu’à la grève générale illimitée à déclencher au moment jugé opportun. Ils ont également voté en faveur d’une grève sociale. Notons que les employés de l’État de cette région où le coût de la vie est plus éleve sont menacés de perdre une prime de rétention de 8% obtenue par une lutte syndicale il y a un peu de plus de 30 ans.

CSSS de Laval et CHU Sainte-Justine, décembre 2014

Sachant que les services essentiels exigent un délai légal de préparation de la grève, les syndicats CSN du CSSS de Laval et du CHU Sainte-Justine ont tenu au mois de décembre 2014 un référendum de grève inversée légale valide à partir du 1er avril 2015, soit dès l’échéance de nos conventions collectives. Les résultats ont été respectivement de 94% et 88% en faveur du mandat de grève à déclencher par département et par quart où l’employeur appliquerait des compressions en deça des services essentiels.

CSSS d’Ahuntsic et Montréal-Nord, fin janvier 2015

Les membres du syndicat local CSN ont voté par référendum en faveur d’un mandat de ‘’grève légale pour protéger les services essentiels’’. Le vote a passé à une moyenne de 88% pour les catégorie 2 et 3.

Mise à jour le 1er mars: Au courant du mois de février, les syndicats locaux CSN du CSSS Sud-Ouest-Verdun et du CSSS Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent ont également obtenu des mandats de grève inversée.

La grève inversée ?

En octobre 2014, la CSN de Laval avait imaginé une grève non traditionnelle en réaction à la suppression de 8 postes de préposés aux bénéficiaires à l’unité de débordement de la Cité de la Santé. Le plan était que le syndicat allait lui-même appeler au travail et payer des préposés en surplus – ou plutôt au ratio d’avant les coupures- pour maintenir les services. La grève inversée cherche à utiliser la contradiction que nous soulevons souvent avec ironie : quand il y a une grève en santé, il y a plus de personnel qu’en temps normal. En cas de grève, les services essentiels prévoient que les services doivent être maintenus à 90% dans les hôpitaux et CHSLD et à 60% dans les CLSC. Or, l’employeur lui n’est pas tenu de respecter ces règles lorsqu’il abolit des postes. C’est ici que le syndicat souhaite contre-attaquer en déclenchant une grève inversée dès que l’employeur coupe plus de 10% des postes sur une unité, forçant ainsi la réaffectation de personnel.

Cette première tentative de grève inversée en octobre n’a finalement pas eu lieu. Au lendemain du vote, l’exécutif local de la CSN de Laval se trouvait devant le Conseil des Services Essentiels suite à une plainte de l’administration du CSSS. Le syndicat s’est alors engagé à ne pas déclencher la moindre grève qui à ce moment aurait été illégale car la convention collective n’était pas encore échue.

Oser

Ainsi pendant que le front commun s’emploie tout en gardant la grève dans le placard à faire pousser un mouvement fort sur l’asphalte du Quartier des Spectacles, des membres au local votent des mandats courageux ayant le potentiel, espérons-le, d’en inspirer beaucoup.

Le syndicalisme, je sais qu’il va mal. J’en suis la première critique. C’est pas facile dans ces conditions d’écrire ce texte car je sais que même dans les endroits où les mandats de grève ont été votés les problèmes n’ont pas disparu. La vérité est que ces mandats de grève j’espère les voir appliqués et multipliés. La vérité est que simultanément je me dis qu’avant qu’il y ait grève il va falloir réfléchir à ce qu’elle signifie pour les travailleurs et travailleuses et à notre propre engagement. Je me dis aussi qu’il faudra parfois se battre contre les directions syndicales pour avoir notre mot à dire sur les moyens qu’on veut prendre. Le ressentiment face à la grève de 1999 ne concerne pas que la loi spéciale. C’est entortillé la grève. Riche aussi, une rupture dans l’ordinaire et la pensée possible d’un autre ordinaire. Alors parlons-en.

Pour ceux et celles qui voudraient proposer un mandat de grève à leur assemblée générale, voici, pour l’exemple, le mandat précis adopté par les membres du STT du CSSS de Laval:

Que les membres de la catégorie 2 et 3 du STT CSSS Laval-CSN donnent le mandat à leur exécutif de déclencher la grève légale pour protéger les services essentiels à la population à partir du 1er avril 2015 dans tous les départements, par quart de travail où l’employeur sera tenté de faire des compressions dans les services en-deça des normes établies par le Conseil des services essentiels qui est de 90% pour la Cité de la Santé, 90% pour les CHSLD et 60% pour les CLSC, et ce pour l’ensemble du CSSS Laval.

* La caricature réalisée par Roland Pier en 1979 provient des archives du Musée McCord

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