Publié le 6 octobre 2011 | par Comité STAT

Coupures et répression

Écrit par Francis Chartrand
Préposé à l’entretien

Les conséquences néfastes sur les services engendrées par le plan de redressement du CSSS Jeanne-Mance ont fait la manchette au cours de la dernière année. Les coupures ont été nombreuses et surtout concentrées, aussi illogique que cela puisse paraître, dans les soins directs aux patients et patientes. Plusieurs postes d’infirmières, de préposés, et j’en passe, ont tout simplement été abolis. Évidemment, les impacts de cette réduction de personnel sont désastreux autant pour les usagers et les usagères que pour les employé-e-s. Combien de fois, depuis les coupures, ai-je vu des patients attendre des dizaines de minutes, voire plus d’une heure, dans leur selles ou leur urine ? Je ne les compte plus. Les compressions budgétaires ont aussi eu des impacts sur les soins à domicile par la réduction du nombre de visites ou du temps de visite du personnel soignant et par la fin de l’aide financière à des orga­nismes essentiels à la communauté. Par exemple, la Petite marmite, organisme qui servait des repas à domicile 365 jours par année à des nécessiteux et nécessiteuses a vu son budget fondre littéralement. Malgré les beaux discours, le maintien à domicile et les soins pour les aîné-e-s ne sont plus une priorité.

Cela dit, un aspect important directement lié aux compressions, a été occulté par les médias : les enjeux politiques au sein du CSSS. La majeure partie du déficit résulte d’une politique d’austérité. Elle a été causée par une ponction du gouvernement dans le budget du CSSS. Évidemment, devant la possibilité de tomber sous tutelle si la situation budgétaire n’était pas réglée au plus vite (Loi 100 oblige) et de mettre ainsi leur propre job en jeu, les hauts cadres ont décidé de sabrer dans le bas de l’échelle, c’est-à-dire dans les emplois de ceux et celles qui donnent réellement les services à la population. Fallait-il vraiment s’attendre à autre chose de la part des gestionnaires ? Ainsi donc, il s’agit bel et bien d’une situation problématique découlant de choix politiques, et non administratifs, que subissent au jour le jour les employé-e-s et les bénéficiaires.

Toujours au niveau du politique, il convient de soulever un autre problème alarmant au CSSS Jeanne-Mance : la répression. Surveillance, intimidation par le biais de communiqués internes, interdiction de parler aux médias — la direction s’en occupe — suspensions d’employé-es ayant osé dénoncer la situation, résument la dernière année. La surveillance accrue des travailleurs et travailleuses est plus que troublante. Les cadres sont devenus omnipotent. Ces derniers, n’ayant pas été victimes du plan de redressement1, sont maintenant proportionnellement plus nombreux2. En ce qui concerne les suspensions, elles ont été données pour la plupart à des personnes qui auraient, selon la direction, délibérément menti aux médias dans l’intention de ternir la réputation du CSSS. L’employeur, sombrant même dans la paranoïa, a congédié une préposée pour une période de trois mois, l’accusant d’avoir laissé volon­tairement une bénéficiaire dans un état la­mentable pour ensuite l’exposer à un journaliste dans le but de démontrer de « fausses » conséquences des coupures. L’objectif de l’employeur ne peut être plus clair : l’élimination de toute forme de contestation de la part des employé-e-s en semant un climat de peur. Bref, « nous dirigeons, fermez vos gueules. » Malheureusement, la stratégie de l’employeur semble porter fruit. La participation des travailleurs et travailleuses à la lutte que mène le syndicat contre les compressions budgétaires a chuté. De moins en moins de personnes osent remettre en question les consignes de la direction, parlent aux médias, aident à monter des dossiers de fardeaux de tâches, etc. Même le simple port d’un chandail ou d’un macaron dénonçant les coupures se fait de plus en plus discret.

Je sais qu’en écrivant et distribuant ce texte, je cours des risques. Lesquels ? Je ne sais pas encore. Mais je ne fais que dire ce que j’observe, ce que je pense. La bataille du syndicat contre le plan de redressement est un échec. Nous venons d’apprendre d’autres coupures. Par la méthode douce, les petites actions, les griefs, le syndicat n’a pas été capable de contrer l’employeur. Évidemment, les moyens de pression doivent augmenter lorsque l’employeur ne bouge pas. Le syndicat ne semble pas l’avoir compris. Pour aller au-delà de celui-ci, il faut nous orga­niser et prendre en main cette lutte qui est la nôtre. Il est possible de mettre en place autre chose et de dépasser nos craintes. La publication de ce journal par une poignée d’individus en constitue une preuve. Il n’est pas trop tard. Tout n’est pas joué.

1 La direction générale a même fait une proposition au conseil d’administration de payer les heures supplémentaires qu’ont fait les cadres pour la gestion des coupures. Proposition qui fût battue.

2 Le nombre d’employés par cadre est passé de 19,4  pour 1 en 2 006 à 17,7 en 2 010. Résultats obtenues à la suite de la compilation des données des rapports annuels du CSSS Jeanne-Mance, http://www.csssjeannemance.ca/publications/rapports-annuels/

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