Publié le 18 janvier 2015 | par Comité STAT

Position du Comité STAT quant à la signature des textes et à l’anonymat

Juin 2013
Aux collaborateurs et collaboratrices du journal Condition Critique 2014

Pourquoi nous privilégions la signature des textes ?
Pourquoi nous nous donnons le droit de refuser certains textes anonymes ?
Comment est-ce qu’on deale avec la sécurité ?

Notre suggestion sur l’écriture :
Plutôt que d’écrire des dénonciations radicales sans pouvoir les assumer publiquement, nous suggérons plutôt d’écrire ce que vous êtes prêts et prêtes à assumer. Le dialogue qu’il est possible d’entamer avec nos collègues, et l’ensemble des travailleurs et travailleuses, à partir d’une posture publique est bien plus important que le potentiel d’agitation à court terme d’un texte. C’est la suggestion que nous avons suivie avec le premier journal, dans lequel un seul texte n’est pas signé.

Nous allons vous exposer les raisons politiques pour lesquelles nous privilégions la signature des textes. Mais nous sommes conscients que la confiance n’est pas donnée naturellement entre des individus qui ne se connaissent pas et nous ne vous demandons surtout pas de nous suivre les yeux fermés. Pour être prêts et prêtes à prendre le beau risque de signer nos textes, il faudra d’abord qu’on développe la confiance entre nous, la certitude d’une solidarité et de motivations communes qui nous animent, à travers le travail et les discussions.

1. Nous parmi les travailleurs et travailleuses

L’objectif de Condition Critique est d’entrer en dialogue avec des travailleur et travailleuses de la santé et il est impossible d’entamer ce dialogue si les travailleurs, particulièrement nos collègues, ne peuvent nous reconnaître. Signer nos textes, c’est avoir le potentiel de parler réellement avec nos collègues et d’être des exemples pour les travailleurs qui ne voient plus personne dénoncer leurs conditions ou faire de la politique dans un but désintéressé. Nous ne pouvons inviter les gens à lutter dans leurs milieux de travail sans le faire nous-mêmes en assumant exactement les mêmes risques. Nous nous présentons comme une organisation humaine contrairement aux institutions autoritaires déshumanisées qui n’ont pas de visages.

2. Notre expérience de l’anonymat et de ses conséquences

Certains travailleurs et travailleuses ayant collaboré avec STAT ont désiré conserver l’anonymat et dans certains cas, STAT ou des membres au local ont diffusé des textes anonymes. Nous avions respecté la peur des représailles ou tout simplement l’absence de désir de s’afficher publiquement que ressentaient ces gens. Seulement, bien rapidement nous avons vu que cette pratique avait des conséquences néfastes.

D’une part, pour l’individu en soi. Lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir écrit un texte anonyme, une répression insidieuse se met en branle contre elle. Et puisqu’elle refuse d’assumer le texte et de s’afficher avec STAT, il nous est impossible de la défendre et de politiser la situation. Cette personne se trouve donc livrée seule aux représailles, ce qui ne peut mener qu’à la peur, à l’amertume, à la fin de son engagement politique. Notons également que la personne anonyme ne peut poursuivre l’action au sein de son milieu et que la diffusion de son texte se résume alors souvent à de l’agitation sans suite.

D’autre part, pour les membres identifiés de STAT, qui peuvent alors subir des rencontres disciplinaires en raison des propos anonymes qu’ils ont accepté de porter. Cela crée avec raison un sentiment d’injustice et d’inégalité entre les collaborateurs. La personne qui refuse de signer un texte doit être consciente que la responsabilité de ses écrits sera portée par tous les autres auteurs identifiés. C’est l’une des raisons pourquoi STAT se donne le droit de refuser des propos anonymes qui pourraient nuire aux auteurs identifiés.

Enfin, les anonymes, par expérience, restent souvent en marge du travail collectif, ils n’ont pas le même sentiment d’appartenance. Leur anonymat ou la peur réduisent leur participation. Si quelqu’un est réprimé, s’afficheront-ils pour le défendre? Lors de la distribution, vont-ils s’identifier comme auteur ? Pour une organisation dont le dialogue avec les collègues est le principe premier, l’anonymat est ambigu, puisqu’il implique de la dissimulation.

L’exigence naturelle d’une personne à ce que les autres respectent son droit à la sécurité doit donc être renversée et mise en lien avec ce que la personne anonyme exige des autres.

3. Mais la sécurité et surtout la lutte à la répression doivent être des enjeux véritables

Si STAT croit qu’il faut être prêts à assumer certains risques pour faire changer les choses, cela ne signifie pas que nous ne prenons pas la sécurité au sérieux. Nous reconnaissons que nous ne sommes pas tous égaux devant les risques, que ce soit en raison de notre métier ou de notre situation familiale. Si des travailleurs ou travailleuses ont peur de signer un texte dans Condition Critique, c’est que malgré les beaux discours de la société libérale sur la liberté d’expression, ils savent très bien que la menace de répression existe.

Avant chaque action de STAT ou publication de Condition Critique, nous pensons d’avance aux possibilités de répression et les prévenons dans la mesure du possible. Nous établissons aussi un plan d’action de groupe à mettre en branle si de la répression a effectivement lieu. Si un individu est plus à risque qu’un autre, nous nous penchons sur son cas en particulier. Nous effectuons des recherches sur nos droits et recours. Bref le groupe prend et assume les risques ensemble, du début à la fin. Nous nous engageons à être entièrement solidaires dans un monde où la véritable solidarité se fait rare.

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