Publié le 23 septembre 2012 | par Comité STAT
Article du 11 janvier 2009: Stress, surmenage, la mort en silence de milliers de travailleurs japonais
La productivité japonaise nous est vantée depuis des décennies. Seulement, elle a un revers. Le portrait du monde du travail au Japon, un monde de performances extrêmes et de souffrance, est plus que troublant. Dire qu’en appliquant la méthode Toyota nous verrons apparaître ici des milliers de morts par surtravail serait un raccourci rapide et malhonnête. Il faut se pencher sur la culture japonaise et plus particulièrement sur leur rapport au travail pour comprendre ce surmenage sans issue. Au Japon, l’individu est appelé à se sacrifier pour la collectivité. C’est en étudiant cette réalité et l’histoire du pays que l’on peut comprendre les concepts piliers de la philosophie Lean. Le Japon possède une culture et une histoire des plus riches, mais nous sommes tout à fait en droit de nous inquiéter de voir leurs méthodes et leur philosophie de travail s’implanter ici. L’usine Toyota est d’ailleurs un exemple flagrant de comment l’entreprise cherche à contrôler la totalité de la vie de l’individu. Dans Toyota, l’Usine du désespoir, écrit en 1973, l’auteur décrit la relation de dépendance entre les employés et l’entreprise. Locataires dans des buildings surveillés appartenant à l’usine, ils sacrifient une autre partie de leur salaire pour les mauvais repas servis chez Toyota et tentent d’économiser pour s’acheter la voiture de leur rêve; celle qu’ils s’épuisent à fabriquer. Le documentaire Toyota City réalisé en 2011 nous montre une réalité aujourd’hui identique, où l’usine possède et contrôle presque tous les services de la ville. «Toyota contrôle notre vie quotidienne. On nous explique comment nous conduire dans la vie, comment faire du sport, on nous traite comme des enfants. Mais on dépend tellement de Toyota que personne n’ose en dire du mal. » livre un jeune cadre.
Dans un tel contexte, la critique devient impossible, voire dangereuse. Les deux auteurs du documentaire, Léna Mauger et Stéphane Remael, n’ont pas pu filmer à l’intérieur des usines Toyota et ont eu du mal à convaincre des habitants de Toyota City de participer à leur film. « Il est très difficile de faire parler les employés de la firme, et les habitants de Toyota City en général. Ils ont peur d’être écoutés, entendus, observés par cette entreprise qui contrôle l’économie de la ville. »